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Recit : la présentation du monde par un Vampire à son futur Infant

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Message  Invité Mer 16 Fév - 21:51

Prologue : la présentation du monde
« Entretien avec un vampire »

Je suis mort, mais j'ai le privilège de pouvoir déguster mon verre, assis ici au balcon. Reprends-moi si je suis présomptueux, mais je pense avoir fait une meilleure affaire.

Je peux voir que tu ne me comprends pas. Bien sûr que non. Nous vivons une époque cynique, rationnelle, et tu ne vas pas croire que je suis mort simplement parce que je l'affirme. Cela aurait été différent il y a quelques siècles. De fait, ce fut très différent la dernière fois que j'eus cette conversation avec quelqu'un. Mais aujourd'hui, nous sommes dans l'ère des faits. Et les faits veulent que les cadavres ne bougent pas, ne marchent pas, ne parlent pas. j'en suis terriblement navré, mais j'ai une surprise pour toi : ce cadavre-ci le fait.

Assieds-toi. J'insiste, mets-toi à ton aise. Sers-toi quelque chose à boire. De préférence la bouteille de gauche : celle de droite a un goût particulier. C'est une longue nuit qui s'annonce, et tu vas avoir besoin d'un verre ou deux. Après tout, je vais dans les prochaines heures t'expliquer, avec des détails précis, pourquoi tout ce que tu crois savoir sur la vie et la mort est faux. En d'autres termes, tu n'as pas la moindre idée de la façon dont fonctionne réellement le monde, et je vais t'ouvrir les yeux. Mais je crains, que tu n'apprécies pas ce que tu vas voir.

Avant d'aller plus loin, permets-moi de te dire que je vais t'offrir une occasion unique. Mes semblables ne parlent pas d'eux aux tiens. Pas de nos jours, et pour ainsi dire jamais. Nous avons passé cinq siècles à tendre un rideau, que nous appelons la Mascarade, pour vous cacher la véritable scène. Le but est simple : nous, les vampires, ne voulons pas que vous, les mortels, sachiez que nous sommes là. Pour la même raison que le loup ne veut pas que les moutons soient alertés de sa présence. Cela rend les choses tellement plus faciles. Ainsi, par exemple, bien que nous possédions vraiment ces canines acérées dont nous ont affublés les films et les romans d'horreur, vous autres mortels ne les voyez jamais, à moins que nous en ayons décidé autrement. Comme maintenant.

Tu as l'air pâle. Il ne le faut pas si nous devons poursuivre cette conversation. Alors permets-moi d'être livide pour nous deux.

Je dois cependant admettre être déçu que cela te perturbe autant par le fait que je suis un vampire. Prends un instant et remets-toi, si possible. Pour dire vrai, je crains que les plus grands chocs soient encore à venir. S'il te plaît, ne perds pas de temps à chercher une explication rationnelle, scientifique, il n'y en a pas. Je suis simplement ce que je suis. Ce que beaucoup, beaucoup d'entre nous sont : bien trop d'une certaine façon.

Par l'enfer, serais-tu aussi stupide ? Rassieds toi. j'ai dit assis ! Regarde maintenant. Silence ! Personne ne viendra à ton secours, et personne n'appellera la police, pas dans cet immeuble. Des voisins discrets sont une bénédiction pour quelqu'un de ma condition. Leur capacité d'ignorer tout ce qui ne se passe pas sous leurs yeux est très victorienne.

Bon, tu as finalement ta preuve. Me crois-tu à présent ? Oui, il s'agit bien de sang dans l'autre flacon. Servi froid, il perd beaucoup de sa saveur. Tu peux goûter si tu veux, mais je ne le conseille pas, non, pas dans la situation actuelle.

Ne cherches pas à deviner mes intentions. Si je devais agir comme le veulent vos précieux clichés, tu ne serais plus. Je suis un prédateur après tout, et toi et ton espèce êtes mes proies.

Je suppose qu'on doit commencer par le début de toute l'histoire. Je suis effectivement un vampire, amené à cette condition en l'an de grâce 1796 par une personne qui m'a été présentée comme étant, entre guillemets, une "dame de la nuit". Le gentilhomme qui nous a présentés —je devais apprendre plus tard qu'il s'agissait d'un de ses servants — avait un certain sens de l'humour.

Mais je m'égare. Oui. je bois du sang humain. Sans la nourriture qu'il procure, je m'étiolerais. Avec, je peux vivre éternellement. Oui, éternellement. A moins d'être détruits — et détruire un Damné n'est pas chose aisée, crois-moi — nous autres vampires sommes aussi immortels que le prétendent les légendes. Seul le soleil et les émotions qu'il engendre nous restent à jamais interdits. Nous, les membres de la Famille, pouvons boire durant des nuits innombrables, nous pouvons rester inchangés tandis que tout ce que nous connaissons tombe en poussière, est remplacé par une nouvelle génération, qui disparaît à son tour, et ainsi de suite …

Encore une fois je m'égare. Le sang, oui, le sang. Je pourrais me contenter de sang animal, la plupart d'entre nous le peuvent, sauf les plus anciens, mais un tel régime est désagréable. Sans saveur. Non, nous voulons tous nous nourrir des meilleurs crus, sans quoi il nous reste en permanence un goût de cendres dans la bouche. Je dois ajouter que la soif n'arrange rien, un vampire qui ne s'est pas nourri depuis trop longtemps est susceptible de faire preuve d'un regrettable manque de sang-froid — si j'ose dire.

Il y a d'autres signes physiologiques de ma condition, rapportés par les légendes. Mon cœur ne bat pas ; ma seule volonté suffit à faire couler le sang dans mes veines. Mes organes internes, par tous les aspects, sont depuis longtemps réduits à l'état de coquilles vides. Mais cela n'alarmerait pas un médecin légiste puisque, si j'étais véritablement tué, mon corps tomberait très rapidement en poussière. De la même façon, je n'ai pas à me soucier de détails comme la respiration, les températures extrêmes et autres. Ma peau est froide, sauf si je me contrains à la réchauffer.

Le faire est un effort, et une dépense de sang précieux. Les nourritures ordinaires sont une abomination pour moi, et elles ne restent pas plus de quelques secondes dans les vestiges de mon estomac. Même avec l'éternité devant moi, j'ai bien mieux à faire qu'à passer mon temps dans les toilettes à recracher des cendres.

En termes profanes, je ne suis plus humain. De tous les points de vue, je suis simplement un cadavre ambulant et buveur de sang, indiscernable parmi tous les corps d'une morgue jusqu'à ce que je bouge. Je sauve les apparences en réchauffant ma chair et en me forçant à cligner des yeux lorsque je suis en société, comme avec toi. Tu peux m'en être reconnaissant. Avoir une apparence fraîche et rose me coûte terriblement, bien plus que tu n'imagines.

Ah, nous revenons à l'ingestion de sang, l'acte fondateur selon moi. Oui, je crains que cela ne soit une nécessité, bien qu'il soit possible de laisser sa proie en vie. Tout ce que cela demande est un petit peu de contrôle de soi et l'effort de refermer la plaie. Et non, nous ne buvons pas tous dans le cou. Tu peux barrer un autre cliché de ta liste.

Un Point crucial est que boire du sang ne me permet pas seulement de perpétuer mon existence, mais procure également des sensations uniques. À quoi cela ressemble ? les mots sont impuissants à le décrire. Imagine- toi buvant le Champagne le plus fin, accompagné de l'expérience amoureuse la plus sensuelle que tu aies connue. Ajoutes-y la décharge ressentie par le fumeur d'opium lorsqu'il tire la première bouffée de sa pipe, et tu commences à entrevoir vaguement, très vaguement, ce que l'on ressent en buvant le sang d'une tête de bétail, pardon, d'un être humain vivant. Vos drogués modernes mentent, volent, trichent et tuent pour avoir leur petit ticket d'entrée pour le Paradis. Mon ticket à moi est bien mieux, et me rend en plus immortel. Peux-tu imaginer ce que je suis prêt à faire pour apaiser cette soif ? Ne fais pas de supposition, la vérité est bien pire. Et je me considère comme un gentilhomme parmi les miens. Maintenant imagine, si tu le peux, certains de mes proches, ceux qui ne sont pas aussi aimables. Ils peuvent commettre — et le font — des actes que je ne veux même pas entrevoir. Et toi, pauvre petite créature mortelle, tu es là, apprenant combien est fragile toute ton existence.

Tu commences à avoir peur ? Tu devrais.

Dans la plupart des cas, on ingurgite sa première gorgée de sang la nuit où l'on devient un vampire, un membre de la Famille, comme nous aimons nous appeler. Le processus, nommé l'Étreinte, est composé de deux phases distinctes et très délicates. La première est simple : le vampire qui veut une progéniture boit jusqu'à la dernière goutte le sang de son futur "infant". Ce n'est pas différent d'un repas normal, mis à part qu'il n'est pas nécessaire d'effacer la mémoire ou de faire disparaître le corps de la victime, et qu'on fait véritablement bombance. La différence vient après.

Une fois la dernière goutte de sang absorbée, le vampire "parent" terme technique est "sire" pour être précis, ou "dame" dans le cas d'une vampire — rend un peu de son trésor bien mal acquis. Il se déchire la lèvre, ou le poignet, ou quoi que ce soit, et fait couler un peu de son propre sang entre les lèvres de sa victime. En supposant que le mortel ne réussisse pas à résister au processus — très peu y parviennent, crois-moi — et que le sire n'attende pas trop longtemps avant d'offrir son présent, alors le sang coule dans la gorge de la victime et la ressuscite. Elle est devenue un vampire.

Cela semble simple, non ? La vérité est plus complexe, comme toujours. Ma propre Etreinte a ressemblé à ce concentré de romantisme exacerbé que ton époque attribue aux miens. M'en souvenir m'émeut aujourd'hui encore. Tous les ingrédients du romantisme étaient présents : un boudoir éclairé par des bougies, des verres de vin capiteux à moitié bus, la poitrine immaculée de la dame, serrée dans son corset. A croire que nous avions quitté la fête pour les pages d'un roman. Et ainsi nous basculâmes dans le lit et, au plus fort de la passion, elle plongea ses crocs dans mon cou. Partagé entre le plaisir du moment et celui de sa morsure — oui, c'est très agréable pour un mortel, au point d'en rendre certains dépendants — j'étais très heureux de m'en aller. Je me souviens avoir pensé à ma mère, qui avait finalement raison en disant que les femmes faciles seraient ma perte, je me souviens même en avoir ri pendant que ma compagne buvait ma vie.

Alors, tandis que j'étais étendu à regarder cette porte brillante devant moi, que mon âme faisait ses premiers pas vers le Paradis, elle se coupa lentement le poignet, et fit couler le vitriol de la vie éternelle dans ma gorge. Tu peux rire de moi pour n'avoir pas su rejeter son offre, mais même face à la Grâce, la vie semble douce. Son sang me brûlait les lèvres et la gorge, je voulais vivre. La douleur causée par le sang était la preuve que j'étais vivant. Puis, lorsqu'il fut clair que je ne partirais pas, le passage lumineux disparu avec un sentiment de profonde tristesse, me laissant avec ma créatrice et une soif meurtrière. Heureusement, elle fut assez attentionnée pour prévoir ma transformation : elle avait séduit mon meilleur ami avant de m'enlever, et l'avait enfermé dans une petite pièce voisine, comme une ménagère garnissant son garde- manger. Tandis que je sentais mon corps mourir cellule après cellule, lui gisait là, inconscient, attendant ma faim.

Ah oui, la soif de la création. Ces quelques gouttes de sang que le sire utilise pour accomplir l'Etreinte sont bien peu de chose, elles ont une signification plus mystique que nutritive. Elles sont largement insuffisantes pour satisfaire la soif d'un vampire nouveau-né. Un jeune vampire doit espérer que son créateur a préparé quelques bouteilles ou, mieux encore, quelques corps, pour qu'il puisse se nourrir immédiatement après la métamorphose. J'ai été le témoin du spectacle horrifiant d'un nouveau membre de la Famille victime de cette soif incontrôlable et se précipitant sur quiconque était à portée de sa folie. Lorsque tu ressens cette soif pour la première fois, tu ferais n'importe quoi pour te nourrir. Tu tuerais ton époux, tes enfants, tes parents ou ton confesseur pour apaiser cette soif et tu serais heureuse de le faire. Du moins tant que dure la folie.

C'est là que les choses deviennent difficiles. Parce que, quelle que soit la durée de la frénésie, quelle qu'en soit la cause — la peur, la faim, la douleur ou la colère —, lorsque tu te laisses submerger par l'animal qui est en toi, tu ne contrôles aucun de tes actes. Mais tu finis toujours par reprendre le dessus. Et alors tu dois faire face aux conséquences des actes perpétrés par l'animal qui contrôlait ton corps. Et la première frénésie n'est jamais la dernière. Certains pensent qu'il devient plus facile d'assumer cette perte de contrôle avec l'expérience. D'autres pensent le contraire

Le coté animal d'un vampire est appelé la Bête, dans ce qui est, je suppose, une tentative de diabolisation par dissociation. Hélas, donner au besoin monstrueux un nom différent n'est pas suffisant pour le dompter. La Bête finit toujours par l'emporter, j'en suis persuadé. Si un vampire survit assez longtemps, il est toujours forcé, par sa nature même, à accomplir des actes abominables. Et finalement, il s'habitue à commettre ces atrocités, et en perpétue d'autres, et tout ce qui restait d'humanité en lui disparaît. Et quand la dernière parcelle d'humanité s'éteint — une fois que tu as vu suffisamment d'amis, d'amants et d'enfants disparaître dans la poussière du temps, tu peux me croire qu'elle finit par s'éteindre — alors la Bête prend définitivement le dessus. Le vampire devient un animal. Si tu atteins jamais cette étape, tu ne te rendras même pas compte que tu deviens un fauve.

Si ta volonté est solide et si tu as une identité forte, tu peux tenir des décennies. Des siècles mêmes. J'ai rencontré un membre de la Famille vieux de deux milles ans. Mais jamais, jamais tu ne seras libérée de la peur que la Bête triomphe une nuit, et cette peur est l'arme qu'utilise la Bête pour te vaincre.

Bien sûr, la meilleure façon de lutter contre la Bête est d'entretenir sa capacité de lutter, ce qui signifie se nourrir régulièrement. Plus tu tues, plus il t'est facile de tuer. Et la Bête l'emporte également. Même si tu ne le veux pas, même si le processus commence par un accident, tôt ou tard tu deviens indifférent à la vue d'un cadavre frais, gisant à tes pieds par ta faute.

Après le dixième, le centième ou le millième corps, il ne s'agit plus d'une personne pour toi, mais d'un objet, d'un réceptacle. Un détail dans ton histoire interminable. Et ta nature à toi, à ce moment, cesse d'être ne serait-ce que vaguement humaine.

Le sang est bien plus qu'une simple nourriture, il est le pouvoir. A tel point que certains vampires l'appellent vitae, la vie. Le surplus de sang nécessaire à la survie peut être utilisé de mille manières. La force ou la vitesse légendaire des vampires ? Une utilisation judicieuse du sang. L'invulnérabilité aux blessures mortelles ? Un autre de ses effets. On m'a vidé un revolver dans le ventre, ce qui ne m'a même pas ralenti. Le sang engendre la plupart des talents "magiques" qu'on nous prête, tu en as été le témoin. Et bien sûr, je peux faire circuler le sang dans ma chair pour apparaître, disons, presque humain. Mais il y a bien sûr un prix à payer. Plus j'utilise de sang pour ces tours, plus vite je consomme mes réserves. Plus vite je vide mes entrailles, plus tôt je dois retourner me nourrir, et chasser encore une fois. Ainsi, tu préférerais que je cesse cette comédie de chaleur ? Je suis ton débiteur. Il est si agréable de rencontrer une jeune personne qui accepte de voir au-delà des apparences. Si tu avais six fois ton âge, tu resterais enfant pour moi. "Jeune" est un terme relatif.

Bien. J'ai un peu soif. Voudrais-tu m'accompagner en ville ? L'autre solution est que je te garde ici, mais je n'aimerais mieux pas. Il ne fait aucun doute que tu tenterais de t'enfuir, et tu briserais quelques-unes de mes antiquités dans ta tentative. Toi, tu es remplaçable. Mes possessions ne le sont pas. C'est aussi simple que cela.

Je suis heureux que tu aies décidé de m'accompagner. Par bonheur, je t'ai trouvé des vêtements appropriés dans la chambre d'amis. Non, pas d'une précédente victime, rassure-toi. Simplement, lorsque la même situation se répète décennie après décennie, tu apprends à la préparer. Tu ne crois pas que tu es la première personne à faire un tour avec moi depuis mon Etreinte ?

Il fait frais ce soir, non ? Je vois que tu observes ma respiration. Et oui, je fais de la vapeur tout comme toi. C'est un autre usage du sang, un usage très utile pour dissimuler ma présence aux chasseurs de vampires et autres êtres désagréables. Tu serais amusée de connaître le nombre des miens qui ont péri pour avoir oublié un petit détail. Le diable est dans les petits détails, et il est tout aussi satisfait de s'attaquer à ses serviteurs putatifs qu'à ceux qui se croient divinement inspirés.

Parallèlement, le loup aime se mêler au troupeau, oh oui.

Les chasseurs ? Ce sont des êtres terriblement malveillants, dévorés par le feu de la mission qu'ils se sont eux-mêmes donnée. La plupart d'entre eux n'ont jamais été ne serait-ce que près de détruire l'un des miens ; la grande majorité fait plus de mal que de bien. Ils débarrassent la non-vie des faibles et des idiots, sans atteindre les vampires les plus puissants, les plus habiles et les plus malins. La plupart des chasseurs sont indépendants, une racaille bruyante brandissant fusils et pieux, piétinant en aveugle les jardins de la nuit. D'autres travaillent pour des départements de ton gouvernement, convaincus que nous faisons partie d'une conspiration ennemie destinée à abattre le Modèle Américain. Les imbéciles.

Les chasseurs les plus dangereux sont en relation avec l'Église catholique, et ne t'y trompe pas : il s'agit de l'Inquisition en oripeaux modernes. Eux, et leurs semblables, en ont appris suffisamment sur la Famille pour en tirer les mauvaises conclusions. Selon un chasseur de vampires de base, nous sommes une engeance démoniaque, envoyée sur terre par Satan pour y semer la destruction et servir notre Maître Infernal.

C'est, contrairement à ce que chacun pense, une véritable connerie. Je ne tiens pour maître aucun homme, aucun vampire, aucun démon. Les vampires ont simplement des... appétits et des buts qui divergent de ce qu'un adepte moyen de l'Inquisition considère comme normal. Quoique... je me suis laissé dire qu'ils aiment les chemises en crin et l'auto-flagellation, ce qui est après tout un comportement très peu social.

Il y a beaucoup d'autres demi-vérités et malentendus, la plupart servant nos buts. Regarde cette église devant nous. Tu remarqueras que je reste droit, là où l'ombre de la croix est projetée dans la rue, et cela ne me fait absolument rien. Pas plus que n'importe quel crucifix, étoile de David ou autre bidule religieux, à moins que la personne qui le brandit ait la véritable foi. Cette sorte de foi est devenue très rare de nos jours, crois-moi. Neuf fois sur dix, tu peux te saisir d'un prêtre (si cela fait partie de tes penchants), lui arracher la croix des mains, et le tuer tandis qu'il demande encore à Dieu ce qui s'est mal passé. Je n'ai bien sûr jamais fait une telle chose.

La plupart des autres inepties dont les films sont pleins ne valent pas plus. L'ail ? Stupide. Un pieu ? Seulement si on te frappe en plein cœur et, même ainsi, cela ne fait que te paralyser. L'eau courante ? Je prends des douches, merci bien. La lumière du soleil ? Et bien, ça blesse vraiment, mais il faut plus d'un simple rayon pour te réduire en cendres. De même pour les flammes : elles te brûlent, mais il en faut beaucoup pour te consumer.

J'ai dit "tu" dans tous mes exemples ? J'en suis terriblement navré. Je ne sais vraiment pas ce qui m'a pris.

Au fait, nous allons dans une boîte de nuit. Ou plutôt un trou d'eau où le bétail est rassemblé, sans se douter qu'il est cerné par des prédateurs. Tu vas également rencontrer d'autres membres de ma Famille, de différentes branches. Ne t'inquiète pas, tu es en parfaite sécurité tant que tu restes avec moi. Je n'ai pas l'intention de les laisser te faire le moindre mal.

Nous y voilà : Xero, le dernier endroit où aller la nuit dans cette métropole en décomposition. Les lieux branchés vont et viennent, les clubs in deviennent des bars de nuit, qui deviennent des boites de swing ou des fast-food, qui finissent en coffee-shops, discothèques et finalement... ça. Les détails comptent peu ; il y a toujours des endroits où les jeunes peuvent venir montrer à quel point ils sont rebelles, du moins tant qu'ils sortent leur argent. Ils veulent connaître le goût du danger, vois-tu, tandis que nous cherchons simplement le goût du sang. Il est naturel que nos besoins réciproques se rencontrent, mais eux ne peuvent jouir de l'ironie de la situation.

Non, nous n'avons pas besoin de faire la queue, le videur à l'entrée est des nôtres. Il est ce qu'on appelle une goule. Très rarement, il boit du sang de vampire, et en échange obtient quelques à-côtés de la vie de vampire. Quelques-uns seulement, les goules sont bel et bien mortelles. Les bénéfices du marché sont limités : les goules n'ont pas l'ensemble de nos pouvoirs, mais en échange elles sont toujours capables de procréer naturellement, de profiter de la chaleur du soleil et de se noyer par accident.

Oui, la création de goules est également une propriété du Sang. Il y a encore beaucoup de choses que je ne t'ai pas dites à propos du Sang. Mais après tout, je ne suis pas payé pour être ton professeur. Très bien, alors écoute ceci : bois trois fois le sang du même vampire, et tu es lié à lui sans espoir de délivrance. Le sentiment d'affection qui en résulte est appelé le lien du sang, et si le vampire qui en est responsable le renforce, le lien peut durer pour l'éternité.

Peux-tu imaginer cela ? Etre forcé à aimer quelqu'un pour toujours ? Savoir que l'amour que tu éprouves pour cette personne, qui est si fort que tu tuerais ou mourrais pour elle, est un mensonge, une maudite comédie. Haïr et aimer en même temps, et ne pas être capable d'y faire quoi que ce soit ?

Oui, on dirait que je parle en connaissance de cause. La non-vie est parfois étrange. A présent, fais attention où tu marches, la direction a oublié que tous les clients ne voient pas dans l'obscurité.

Maintenant, quelques informations sur les relations familiales avant que je ne te présente. Selon nos légendes, nous descendons tous de Caïn, fils d'Adam et Eve. On suppose que la punition divine subie par Caïn pour avoir tué Abel fut d'être transformé en vampire. La "marque" de Dieu placée sur Caïn fut en fait la malédiction du vampirisme. Caïn a découvert qu'il pouvait transmettre cette malédiction avec l'Etreinte, et créa des infants pour alléger sa solitude. Malheureusement, le processus ne s'arrêtait pas là. Chacun des infants de Caïn fit également des infants à leur tour, et ainsi de suite. Caïn réalisa son erreur, condamna les nouvelles créations de vampires et disparut.

Bien sur, lorsque le chat est parti, les souris dansent. Les jeunes vampires n'en tinrent pas vraiment compte, et c'est pourquoi je suis là. Mais chaque nouvel échelon après Caïn, chaque génération de vampire, est un peu plus faible, un peu plus proche des mortels. Caïn était la Première Génération, ses infants la Seconde, et ainsi de suite. La 13ème Génération est la dernière qui vaille encore le carburant nécessaire à la griller en enfer. Je crois que la 14e Génération de vampires est composée uniquement de stériles de toute manière.

Ne demande jamais à un vampire sa génération. C'est une injure mortelle.

Mais ce n'est pas tout ... Tu peux m'entendre dans ce vacarme ? Pourquoi donc les mortels insistent tant pour danser sur ça, ce bruit assourdissant ? Bref nous ne sommes pas tous comme Caïn. Que le Ciel vienne en aide au monde si c'était le cas. Non, chaque petit-infant de Caïn avait des dons et malédictions mystiques propres, et chaque vampire descendant de ce membre particulier en a gardé des traces. Nous nous sommes spécialisés, sélectionnés comme des races de chiens ou de chevaux de course. Et ces lignées spécialisées sont devenues des clans. Nous connaissons treize grands clans, tous différents par leurs pouvoirs et leurs limites. Au fait, nous appelons ces pouvoirs des "disciplines". Selon tous leurs aspects, ils sont magiques. Tu m'as vu en utiliser quelques-uns des miens. Prie pour ne pas découvrir ceux d'autres vampires.

Allons, permets-moi de te présenter. Vois-tu cette femme là-bas avec sa robe noire lacée et son chapeau plat ? Elle est des nôtres, mais d'un clan différent du mien. En fait, elle est du clan des Toréadors, le "Clan de la Rose" comme ils l'appellent. Les arts, les beaux garçons ... voilà le pain béni des Toréadors. C'est ce que la sagesse populaire veut nous faire croire. J'ai peu de confiance dans les stéréotypes, surtout les plus nobles.

Le gentilhomme en costume charbon et chemise sans col qui tente de la regarder et de la suivre discrètement ? C'est un Tremere. Les Trémeres sont des sorciers, plutôt dangereux et sournois. Contraries-en un, et tu auras toute sa meute t'exprimant sa réprobation. Et dans le coin, le voyou en veste de motard et au regard menaçant ? c'est un Brujah, un agitateur de racaille, et il est en train de chasser. Tôt ou tard, son comportement attirera l'attention d'une femme. Il se laissera draguer puis accompagner chez lui, puis … et bien, tu sais ce qui arrivera.

Ne songe même pas à intervenir, ou c'est moi qui te tue.

C'est à ça que sert la Camarilla, maintenir l'équilibre. S'assurer que nous n'épuisons pas le cheptel, et que vous n'appreniez pas qu'il y a des chasseurs parmi vous.

Qu'est-ce que la Camarilla ? Pas grand-chose, selon certains vampires. En théorie, c'est l'organisation qui chapeaute tous les vampires décidés à maintenir l'ordre et à sauvegarder la Mascarade. Dans les faits, elle ne compte que six des grands clans, plus quelques autres affilés. D'autres clans se clament indépendants, et d'autres encore se livrent à un culte bestial nommé le Sabbat. Le Sabbat et ses membres sont bien plus proches de l'image qu'a de nous l'Inquisition que ne le sont ceux de la Camarilla.

Ne pense pas pour autant que nous autres membres de la Camarilla sommes gentils. Nous ne le sommes pas. Nous pensons simplement qu'il est plus sûr pour nous de tenter de coexister et d'agir à travers vous plutôt que de vous combattre. Jamais, au grand jamais, il ne faudra penser que nous sommes de "braves gens".

Vous nous êtes simplement plus utiles vivants que morts.

Pas de bon gibier ce soir apparemment, le Brujah se donne pourtant à fond. Sortons d'ici. On dirait qu'un peu d'air frais te fera du bien, et cet endroit commence à m'ennuyer.

Non, je ne vais pas te tuer et boire ton sang dans la ruelle. Donner l'Etreinte doit se faire dans le confort, le luxe. De plus, mes goules doivent avoir à présent rassemblé suffisamment de nourriture pour ta première Soif. Je suis un sire généreux.

S'il te plaît, ne prend pas cet air choqué. L'innocence te va mal. J'ai semé des secrets toute la nuit, et tu les as ramassés un par un. De plus, tu ne peux pas croire que je peux t'avoir raconté tout ceci et te laisser repartir. Bien sûr, la plupart des gens penseront que la folie s'est emparée de toi si tu répétais cette histoire, mais suffisamment de mortels ne le penseront pas. Ils le croiront et le répéteront. Et tout s'écroulera comme un château de cartes. Donc, il m'est impossible de te laisser repartir en vie. Tu pourrais mourir, bien sûr. Mais tu sais ce que j'ai à t'offrir. Tu sais ce qui t'attend, et tu le désires. Sinon, tu aurais tenté de t'enfuir depuis longtemps. Mais tu es là.

Donc, vais-je te faire vivre pour toujours ? Oui ? J'en suis heureux. Prends mon bras. As-tu peur à présent ? Tu devrais.

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Message  Invité Mer 16 Fév - 23:08

Peut être un peu long mais trés chouette!

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Recit : la présentation du monde par un Vampire à son futur Infant Empty Re: Recit : la présentation du monde par un Vampire à son futur Infant

Message  Invité Lun 21 Fév - 0:57

terrible,

un concentré de tout ce qu'il faut savoir!!!

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Recit : la présentation du monde par un Vampire à son futur Infant Empty Re: Recit : la présentation du monde par un Vampire à son futur Infant

Message  Invité Mar 8 Mar - 13:56

Agréable à lire et exhaustif, cool! Very Happy

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